Ce trimestre, nous avons aussi appris que le protocole de chimiothérapie FOLFIRINOX est à privilégier au standard actuel dans les cancers du pancréas localement avancé non-résécable, que la radiothérapie interne vectorisée dans les cancers de la prostate difficiles à traiter améliore la qualité de vie des patients en plus d’être efficace, que deux mutations pourraient être ciblées pour créer de nouveaux médicaments dans un sous-type de cancer du poumon touchant principalement des sujets jeunes, et qu’une bactérie du microbiote pourrait jouer un rôle clef dans la réponse aux thérapies par cellules CAR-T.
Plus de 30 % des patients atteints d’un cancer du pancréas présentent une forme localement avancée non résécable, pour laquelle les options thérapeutiques sont limitées et le pronostic sombre, avec une médiane de survie globale à peine supérieure à un an. Alors que le protocole FOLFIRINOX, une chimiothérapie à base de trois agents cytotoxiques, s’est imposé comme référence dans les formes métastatiques, la chimiothérapie par gemcitabine reste le traitement standard dans les formes localisées inopérables, faute de données comparatives robustes.
L’étude randomisée dont le Pr Michel Ducreux est premier auteur a comparé le protocole FOLFIRINOX à la chimiothérapie par gemcitabine chez 171 patients atteints d’un adénocarcinome pancréatique localement avancé en bon état général. Après un suivi médian de près de 5 ans, les résultats montrent un bénéfice significatif en termes de survie sans progression en faveur du FOLFIRINOX : 9,7 mois contre 7,7 mois avec le gemcitabine. Le traitement par FOLFIRINOX a été globalement bien toléré, sans signal de toxicité inattendu.
Ces données confirment que FOLFIRINOX constitue une option thérapeutique pertinente pour les patients atteints d’un cancer du pancréas localement avancé non résécable, avec un gain de contrôle tumoral sans altération majeure de la qualité de vie. Cette étude pourrait faire évoluer les pratiques vers une utilisation plus large de FOLFIRINOX dans cette indication, sous réserve d’une sélection rigoureuse des patients.
Chez les hommes atteints d’un cancer de la prostate métastatique qui ne répond plus aux traitements hormonaux, la maladie progresse souvent rapidement, avec un impact important sur la qualité de vie, la douleur et les complications osseuses. L’essai clinique international de phase III PSMAfore, coordonné par le Pr Karim Fizazi, a comparé un traitement innovant, le [¹⁷⁷Lu]Lu-PSMA-617, à un simple changement d’hormonothérapie.
Le [¹⁷⁷Lu]Lu-PSMA-617 est un radioligand utilisée en radiothérapie interne vectorisée (versant thérapeutique de la médecine nucléaire) qui cible l’antigène membranaire spécifique de la prostate (PSMA).
Les résultats, publiés dans The Lancet Oncology, montrent que le [¹⁷⁷Lu]Lu-PSMA-617 préserve plus longtemps la qualité de vie, réduit les douleurs et retarde l’apparition de problèmes osseux graves comme les fractures ou le recours à la radiothérapie pour soulager la douleur. Le risque de dégradation de la qualité de vie rapportée par les patients est réduit de 39 %, celui d’aggravation des douleurs de 28 % et celui d’événements osseux symptomatiques de 59 %. Ces bénéfices sont d’autant plus importants que les métastases osseuses touchent jusqu’à 90 % des patients à ce stade de la maladie.
Ces données confortent l’intérêt du [¹⁷⁷Lu]Lu-PSMA-617 comme option thérapeutique de premier choix après échec d’un premier traitement hormonal, en montrant qu’il est possible d’allier efficacité contre la maladie et maintien du bien-être des patients.
Les cancers du poumon non à petites cellules présentant une fusion du gène RET sont souvent diagnostiqués chez des patients plus jeunes, non-fumeurs, et sensibles initialement aux inhibiteurs de RET. Malheureusement, les options sont limitées en cas de progression de la maladie après ces traitements ciblés. Une nouvelle étude internationale, publiée dans le JAMA Oncology, apporte un éclairage prometteur sur des vulnérabilités exploitables à la surface des cellules tumorales RET+.
Sur près de 200 patients, les chercheurs ont analysé l’expression de protéines à la surface des cellules tumorales. Les résultats montrent que MET et TROP2 sont fréquemment exprimés dans les tumeurs RET+, avec une surexpression de MET significativement plus marquée que dans les tumeurs RET wild-type — observation confirmée dans une cohorte indépendante. HER3 et EGFR sont modérément exprimés, HER2 plus rarement.
Ces profils d’expression suggèrent la coexistence de plusieurs cibles membranaires, avec des variations dynamiques après traitement, soulignant l’intérêt de réaliser des biopsies fraîches en cas de progression.
Ces découvertes ouvrent la voie au développement de nouveaux médicaments, comme des conjugués anticorps-médicament ou des anticorps bispécifiques, qui pourraient cibler directement ces protéines pour détruire les cellules cancéreuses. Ces résultats devront maintenant être confirmés dans des essais cliniques dédiés.
Chez les personnes atteintes d’un lymphome B, un type de cancer du sang qui touche les lymphocytes du système immunitaire, le recours à un traitement par cellules CAR-T se fait en cas de non-réponse à la chimiothérapie classique.
Ce traitement repose sur la modification des propres cellules immunitaires du patient pour les rendre capables de reconnaître et détruire les cellules cancéreuses. Mais dans près de 40 % des cas, cette stratégie ne fonctionne pas suffisamment et les patients ne répondent pas durablement au traitement.
Une étude menée à Gustave Roussy et publiée dans Cancer Discovery montre qu’un facteur pourrait jouer un rôle clé dans l’efficacité du traitement : la composition du microbiote fécale, et particulièrement la présence d’une bactérie dans le microbiote intestinal, Akkermansia muciniphila. Les chercheurs ont observé que les patients porteurs de cette bactérie répondaient bien plus souvent à la thérapie CAR-T et voyaient leur maladie mieux contrôlée dans le temps. Dans un modèle expérimental, l’administration d’une souche d’Akkermansia a permis de renforcer l’efficacité du traitement par cellules CAR-T, en aidant les cellules immunitaires à mieux s’installer dans la moelle osseuse, où elles deviennent plus actives.
Ces résultats suggèrent qu’agir sur le microbiote intestinal, par exemple avec des probiotiques ciblés, pourrait améliorer l’efficacité de certaines immunothérapies du cancer.